Une envie irrésistible..

Les cours se terminaient plus tôt qu'à l'habitude. Une histoire de réunion entre les Exorcistes. Les Meisters étaient libres pour le restant de la journée. Ils n'avaient reçu aucun travail pour le lendemain. Le vide. Cela changeait. Même pour les moins assidus. Le dernier cours se terminait lentement. Les dernières notes. Les dernières paroles. Le prof partait satisfait de lui-même. Ni pressé, ni paniqué, rien. Tout semblait normal pour lui. Pourtant, la journée sortait des habitudes. Tous les élèves rangeaient leur matériel. Tous sortaient. Il était le dernier à sortir. Comme toujours. Une habitude dans une journée inhabituelle. Eteignant les lampes, il passa son sac sur son épaule et se mit à marcher dans les couloirs. Les derniers étudiants sortaient dans le rire, le sourire, la joie. La bonne humeur d'une journée perdue. Ils n'allaient rien. Et lui ? Qu'allait-il seulement faire ? Il se gratta un instant le crâne. Lire certainement un livre. Sur les armes, peut-être. Les démons. Un bouquin dans l'arrière de la bibliothèque. Que personne ne prenait jamais pour lire. Il resterait seul, dans sa chambre.

Il était le dernier dans le couloir, cherchant dans son trousson de clef, celle qu'il avait besoin. Mais déjà, des pas se firent entendre. Relevant le regard, apparut au loin la silhouette d'une personne qu'il connaissait et qui le connaissait. En effet, se trouvait un peu plus loin la jeune démone prénommée Kagome Aone. Il se souvenait encore de leur rencontre. Elle l'avait perturbé une journée entière. Elle avait choisi les Humains, alors que Satan lui avait donné sa confiance. Mais ce n'était pas pour autant qu'il l'appréciait. Déjà, il avait prévu de passer devant elle sans rien dire. Hélas, elle n'était pas de cet avis puisqu'elle avait décidé lorsqu'ils se croisèrent, de l'interpeller. Déjà, il lâcha un soupir avant de répondre froidement par le nom de la jeune femme. Et de nouveau, elle s'approchait bien trop près. Et comme la première fois, il mit la main dans sa poche droite. Mais elle savait. Elle savait que dans la poche droite, l'arme n'était pas chargée. Alors, d'une réponse aussi froide que provocante, il changea son cartable de main, avant de prendre le fusil dans sa main gauche. Elle le craignait tout de même, cela se lisait dans son regard. Pourtant, elle ne recula pas. Elle finit même par s'adosser contre le mur et encore une fois, elle fut provocante. Lui parlant comme s'il était plus forte que lui. Elle l'agaçait. Pourtant, il n'en montrait rien. Si elle voulait jouer. Elle jouerait seule.

Ne répondant pas à la provocation de la jeune femme, il déposa son cartable, avant de se mettre bien en face, toujours une main sur son arme. Déjà, elle se remettait à parler. Elle ne cessait donc jamais ? Maintenant, après que sa chaine ait bougé alors qu'il s'était abaissé pour déposer son sac, elle lui demandait la signification de cette dernière. Et encore une fois, elle l'appelait par un nom bien trop amical. Ne répondant pas à la question, il lui fit seulement une remarque sur le fait qu'ils n'étaient pas amis, ce qu'elle ne semblait pas vraiment apprécier. Laissant le silence s'installer de nouveau, il se mit maintenant à jouer avec la gâchette vide de l'arme déchargée. Sans pour autant en sourire, il continuait d'observer le regard chaleureux de son regard glacial. Il n'avait pas envie d'être là et cela se ressentait. Et pourquoi lui parlait-elle ? Que cherchait-elle encore à gagner ? Défiant toujours le regard de la jeune femme, il lâcha enfin ses armes avant de prendre sa chaîne en main et de l'observer. Aussitôt, les souvenirs remontèrent. La mort de sa mère. Son Maître qui, sur le lit de mort, lui offrait ce souvenir avec le sourire avant de lâcher un dernier soupir. Une certaine tristesse avait même fini par apparaître dans son regard.

>> Un souvenir ...

Il n'en dirait pas plus. Il n'avait pas envie d'en parler. Toujours douloureux dans son coeur comme dans son esprit, la mort de sa mère avait marqué ses débuts dans l'exorcisme. Observant toujours la jeune démone, il lui laissait gagner trop de terrain. Il était temps de reprendre l'offensive là où ils en étaient restés la dernière fois. Cette fois-ci, elle ne pourrait pas s'enfuir. Les cours étaient terminés. Tout le monde était dehors. Il se rapprocha donc d'elle pour que leur visage ne soit qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Si elle tentait de fuir, il pourrait de suite la bloquer. Maintenant, ils n'étaient plus que tous les deux. Les bras croisés, le regard toujours froid empreint d'une certaine tristesse, il était juste en face d'elle.

>> Que cherches-tu exactement ? Tes manies m'agacent, et venir me parler alors que tu sais pertinnement que nous ne sommes pas amis, que veux-tu donc ?!

Dans le regard de la jeune démone, il lisait la peur, la panique. Pour la première fois, il l'a déstabilisait. Alors qu'elle voulait jouer, il avait retourner cela à son avantage. Il remarquait que leur proximité désarçonnait cette comparse. Mais pourquoi ? Si elle était dans son jeu, elle aurait facilement pu s'en sortir. En son for intérieur, le jeune homme était heureux, même s'il ne le montrait guère. En effet, la jeune femme pensait encore une fois le mettre dans une mauvaise posture, mais il semblait avoir trouvé le point faible. Un premier. Elle ne semblait plus vraiment à son avantage et déjà, elle tentait la fuite. Malheureusement, s'étant adossée contre un mur, reculer ne lui servait à rien. Elle continuait malgré tout ce duel entre leur regard, aucun n'osant le baisser de peur de se montrer faible. Dans un second geste de défense cette fois-ci, elle déposa une main sur son arme. En vain, puisqu'il ne bougeait toujours pas. Et dans le regard de la jeune femme, il y lisait la peur de le blesser lui. Un autre avantage. Un petit sourire de coin finissait même par apparaître sur les lèvres d'Akamitsu.

Soudainement, il vit le regard de Kagome dévier et déjà, il comprenait qu'elle allait tenter une dernière fuite, barrée aussitôt par son bras. Il ne la laisserait pas partir. C'était la seconde fois qu'ils se rencontraient. Déjà, la première fois, la proximité l'avait fait fuir. Soit cela venait seulement d'elle et elle ne supportait pas la proximité de deux êtres, soit cela venait qu'elle n'appréciait que ce soit lui qui soit si près. Dans les deux cas, elle n'appréciait pas le rapprochement. Dans l'une des hypothèses, c'était la sienne, dans l'autre, celle des gens. Elle prit finalement la parole, s'excusant notamment du fait qu'elle lui avait rappelé de bien mauvais souvenirs. Elle tentait d'éviter le sujet des discussions. Elle voulait faire plus amples connaissances. Malgré tout, il se demandait si elle ne cherchait pas plus que simplement faire connaissance. Il n'insista pas. Cela était vain. Puis après son petit discours, elle avait baissé la tête. Elle se remettait lentement à parler, cherchant encore un moyen pour l'atteindre.

Pourquoi tant d'acharnement sur lui ? Elle n'était qu'une démone, lui, un humain. Ils n'avaient rien pour se parler. Déjà, leur première rencontre avait été violente dans les mots. Ici aussi. A chaque fois, ils frappaient les défenses de l'autre par des gestes ou des mots. Pourtant, il ne céderait pas le premier. Depuis le début, ils étaient dans un duel. Qui se coucherait ? A la fin du discours de la jeune femme, il l'avait encore affrontée, avant de se détourner, lui laissant enfin de l'air comme elle semblait le souhaiter. Il devait répondre aux questions. Autrement, elle le prendrait comme une fuite. Comme un aveu de faiblesse. Ce n'était ni l'instant, ni l'endroit. Dans un certain sens, si l'autre laissait un seul pas, il pouvait perdre. Il soupira un instant, avant de prendre enfin la parole.

>> Dans un combat, tu ne peux compter que sur toi. Ceux qui surveillent tes arrières ? Des hommes entraînés à cela. Non pas des amis.
Un court silence où il se retourna vers elle, déposant de nouveau son regard dans le sien.
>> Et puis, que gagnerais-tu de notre amitié ? Crois-tu que je serai mieux avec toi ? Tu veux rire ? Crois-tu que je te raconterai des blagues ? Si tu cherches cela avec moi, passe ton chemin, Kagome-chan.
Il s'arrêta. Un pas de trop. Le "-chan", il tiqua un instant. Trop tard.
>> Je n'ai pas dit vouloir être seul. Seulement, je ne cherche pas à avoir des amis. Dans mes objectifs, ils n'ont aucun intérêt ...
Il se rapprocha d'elle, sans être aussi près que la première fois.
>> Mais, dis-moi ! Pourquoi t'intéresses-tu donc tant à moi ?

Elle avait remarqué son faux pas. Elle prenait plaisir à lui faire la remarque. Encore une fois, elle jouait avec lui. Plus qu'un combat, ils se retrouvaient dans une lutte pour découvrir qui des deux dominerait l'autre. Comme les animaux qui se roulaient sans cesse jusqu'à ce que l'un d'eux fatigue. Ici, la lutte se faisait à travers des regards et des mots. Elle souriait de prendre l'avantage. Un avantage qu'elle ne pourrait garder bien longtemps. Elle commettait sans cesse des erreurs qu'il prenait plaisir. Mais avant, il s'était de nouveau rapproché. De nouveau, ils étaient presque collés l'un à l'autre dans ce couloir désert. Il avait déjà oublié pourquoi il le traversait. La bibliothèque. Pourtant, une certaine envie de ne pas y aller le tenait. Il ne voulait pas perdre cette lutte. Pas face à Kagome. Et elle semblait lui préparer un sale tour. Il l'observait toujours tranquillement, toujours aussi froidement.

Il sentit une légère pointe d'embarras lorsqu'elle lui avoua le trouver intéressant. Encore un mauvais, suivant quelques instants plus tard d'un signaux qu'il avait bien compris. Un sourire se dessinait sur ses lèvres, un sourire narquois, puis lentement, qui se transforma en douceur. Observant un instant les corridors, il prit la main de la jeune fille et l'observa un long moment. Puis il la déposa et laissa encore le silence s'installer entre les deux partenaires. La lutte se terminait. A lui de donner le coup final. Faire en sorte que ce soit elle qui se couche. S'il avait bien compris, elle nourrissait des sentiments pour lui. Il n'était pas insensible à elle. Alors qu'elle était une démone, elle le prenait dans ses filets. Un instant, ses défenses firent leur apparition, avant que d'un regard, il comprit la sincérité. Pourtant, il ne se coucherait pas ainsi. Ce ne serait pas lui qui avouerait ses sentiments le premier dans cette lutte sentimentale.

>> Au moins une simple amitié ?
Un doux sourire éclaira son visage.
>> Tu souhaites bien plus que cela, n'est-ce pas ? Tu n'es plus à une erreur près ! Alors, Kagome-Chan. Qu'attends-tu exactement ? Car, si comme tu le dis, je suis assez intelligent pour comprendre, c'est là ...
Il déposa un doigt sur le coeur de la jeune démone. Bien haut pour ne pas la gêner et être lui-même gêné.
>> Ai-je tort, Kago-Chan ?

La lutte était terminée. Comme le lion qui mordait doucement la lionne dans le cou pour signaler son triomphe, il en était de même dans leur lutte. Elle était gênée de la distance qui les séparait. Quelques centimètres, seulement. Mais en même temps, elle semblait apprécié qu'ils soient si proches. Le silence régnait maintenant. Elle cherchait encore des mots. Celui qui ferait qu'il serait déstabilisé. Mais, toujours le doigt posé sur la peau, il sentait les battements rapides de la jeune femme. Dans le regard de la jeune fille, il y lisait cette recherche constante mais vaine pour trouver quelque chose. Un mot. Quoi que ce soit qui la sortirait de ce pétrin. Mais comme la lionne avec les dents de son compagnon dans la gorge, elle ne pouvait plus rien faire. Seulement s'avouer vaincue dans cette lutte. Tentant une dernière offensive, comme un dernier basculement, elle ne sut que bégayer. Elle manquait de force. Et elle en soupirait. C'était terminé. Il en souriait. Peu, mais un sourire de joie, surtout dans les coins. Il avait eu raison d'insister. Plus qu'une joie d'avoir raison, il découvrait qu'elle ne lui déplaisait pas. Il connaissait la nature démoniaque de la jeune femme, mais malgré tout, notamment par son bégaiement, il la découvrait surtout humaine.

Elle terminait même en baissant la tête. Non seulement, elle manquait de mots. Mais elle ne pouvait lutter face à son regard. Il gagnait. Pourtant, plus qu'une victoire, il avait réussi à découvrir qu'elle avait des sentiments pour lui. Ils ne se connaissaient pas ou peu, mais ce jeu qu'ils avaient instaurés sans le savoir. Ces luttes silencieuses. Cela lui plaisait. Il aimait la jeune démone plus qu'à l'habitude envers le sexe opposé. Pourtant, son coeur n'en battait pas plus fort. Sur le tatouage, il passa discrètement une main. Aurait-elle réussi ce qu'il croyait impossible ? Un instant, son regard ne fut plus dans le couloir. Mais dans le vide. Dans son monde. Kagome Aone ... Une fille particulière. Et il fut rattrapé par la réalité, lorsque, finalement, elle avouait qu'elle avait des sentiments. Déposant une main sur celle qu'il avait déposé quelques instants plus tôt, elle prononçait quelques mots d'une voix presque inaudible. Elle s'avouait vaincue maintenant par les mots. Un sourire victorieux apparaissait sur son visage, tout comme la satisfaction d'avoir pu la découvrir.

Elle avait relevé son regard, se mettant de nouveau à lire en lui, si elle y arrivait. Mais maintenant, la lutte était terminée. Ils n'essayaient plus de vaincre l'autre. Toujours une main posée sur la sienne, elle venait de mettre une main sur son torse et approchait son visage du sien. Ils étaient si près. Comment pouvait-elle savoir qu'il resterait ? Il hésita un instant. Ne trahissait-il pas son premier amour ? Non ! Elle l'avait abandonné aussi lâchement qu'un charognard abandonnait sa proie quand le chasseur revenait. Elle avait fui quand elle avait su. Ici, entre eux deux, aucun secret ne semblait régner. Lui en ferait-il ? Si ce n'est des surprises, non. Il détestait cela. Une nouvelle lutte commençait pourtant. Tout comme les lions qui ne pouvaient s'empêcher de se frotter la tête en signe d'amour. Ils firent de même. Fermant les yeux, leurs lèvres se mirent à se chercher et lentement un baiser se fit. Cherchant toujours les lèvres du partenaire, une lutte amoureuse, bien plus silencieuse, commençait. Ils venaient de créer une bulle. Si quelqu'un les croisait, ils n'auraient en rien réagi. Plus rien n'existait en cet instant. Alors que cela ne dura que quelques secondes dans le couloir, il avait eu l'impression que cela dura un temps inconnu dans un autre monde. Comme transporté par le baiser, il le rompit finalement délicatement, une main toujours sur le haut de la poitrine de Kagome, l'autre ayant glissé sur la joue de cette dernière. Ils s'observèrent encore un moment, alors qu'il tentait vainement de reprendre ses esprits.

>> Est-ce cela que tu tentais de me dire ?
Un silence suivi bientôt de quelques paroles.
>> Je ne crois pas que nous sommes que de simples amis, je me trompe ? Ou nous en restons là ?
Un frisson lui parcourut l'échine à cette pensée, son regard se voila de tristesse.
>> Alors ?

Aucun des deux ne bougeait. Ils restaient l'un contre l'autre. Le mur les soutenait. Les couloirs étaient vides. Juste eux deux. Il lui souriait, ses doigts glissant sur la joue de sa compagne. Malgré ce petit sourire, il craignait qu'elle le recale. Qu'elle l'envoie au loin. Que ce n'était qu'un pari. Plus qu'une déception amoureuse, il se sentirait trahi. Non par un amour, même si cela entrait en compte. Mais bien parce qu'elle lui avait parlé d'amitié. De s'ouvrir. Et sans l'avoir convaincu complètement, elle avait créé une brèche suffisante pour elle entrer. Surtout que si son coeur oubliait qu'elle était une démone, il ne l'avait pas oublié. Si elle commettait l'erreur de se jouer de lui, elle ne ferait qu'attiser sa haine des démons. Un instant, l'image de sa mère suivie de celle de son premier amour apparut. A cet instant, elle lui donna sa réponse. La réponse qu'il attendait. Que ce n'était pas qu'un baiser pour tester, qu'un baiser d'un pari. Elle désirait vraiment qu'ils avancent.

Elle avait fini de parler en lui posant la même question. Que voulait-il ? Un instant, il revint à la réalité. La vraie. Celle d'Assiah. En un instant, tout se jouait dans son esprit. Que désirait-il ? Comment les autres le verraient ? Ne serait-elle pas un fardeau ? Les questions s'enchainaient et les réponses à ces dernières venaient tout aussi rapidement. Un instant, il avait pensé fuir. Fuir au loin. Quitter l'Académie. Et devenir un moine. Une idée idiote. Puis il était revenu à ce qu'il avait vraiment voulu. Elle. Alors qu'il pensait ne plus être capable d'aimer, il fut surpris qu'il puisse l'aimer aussi fort. Une passion ? Non, loin de là. Son amour était bien réfléchi. Encore à cet instant, où le silence régnait entre eux, il réfléchissait. Leurs regards se croisaient, ils se touchaient. Finalement, il allait lui répondre. Il savait ce qu'il souhaitait. Une personne. Un être qui sortait bien de l'ordinaire. Notamment par le fait qu'elle ne soit pas humaine. Même s'ils ne se connaissaient pas, il avait déjà découvert le côté joueur de la jeune femme. Il l'aimait. Il était certain de ce qu'il éprouvait.

>> J'aimerais que l'on continue. J'aimerais ne pas être qu'un simple ami à tes yeux.

Il s'approcha d'elle pour l'embrasser tendrement. Leurs lèvres se touchèrent, se joignirent, jouèrent quelques instants, avant de se séparer de nouveau. Il la regarda dans les yeux. Ils étaient si beaux. Un regard comme il n'en connaissait pas. Une étincelle brillait à l'intérieur de ceux-ci. L'amour, très certainement. Avec un sourire, il la tira soudainement avec lui, laissant même son sac au sol. Quelqu'un le trouverait bien. La conduisant avec certitude dans les couloirs, ils atteignirent finalement une porte. Sans lui lâcher la main, il prit de sa main libre son trousson de clef. Avec un sourire, il la fit tourner dans la serrure. Derrière la porte se trouvait un petit jardin secret. Que personne n'avait jamais pu visiter. La laissant passer, il la laissait découvrir, commentant finalement la vue.

>> C'est un endroit que j'ai créé avec la permission du Directeur. Je peux m'y ressourcer. J'ai la seule clef de l'endroit. Une des seules clefs que j'ai vraiment en ma possession, à vrai dire.
Il sourit, s'approchant doucement d'elle.
>> Qu'en penses-tu ?

Elle était émerveillée du spectacle. Il en souriait. Voir l'émerveillement dans ce regard, alors qu'elle tournait sur elle-même. Encore une fois, elle réagissait comme une humaine. Non pas comme une démone. Il la laissait découvrir ce jardin naturel. Tout autour d'eux, des arbres, des fleurs, des plantes, et au loin, un cours d'eau qui se laissait couler. Ce qu'elle ne savait pas, c'est que l'endroit était bien naturel. Construit sur des bases purement théoriques, le monde existait ailleurs. Pas vraiment en Assiah, ni en Géhenna. Il existait. Tout était sauvage. Et si elle s'aventurait plus loin, bien loin, le monde ne s'arrêterait pas. Aucun mur. Rien. Une seule porte. Une seule entrée. Une seule sortie. Un instant, il s'était mis à penser comme s'il ne l'aimait pas. Comme s'il s'était joué d'elle. Qu'aurait-il fait ? Alors qu'elle s'émerveillait toujours, il se rendit compte combien il aurait été fou. Il l'aurait laissée découvrir ce jardin pour l'y enfermer. Mentir. Trahir. Voilà ce qu'il aurait fait. Soudainement, il s'était senti coupable de penser à cela. Mais il s'approcha d'elle pour la serrer contre lui.

Elle était la seule personne à découvrir son Royaume. En ces terres, même des animaux sauvages vivaient en harmonie. Elle était la première personne à y entrer. Le Directeur lui-même ne lui avait offert que le clef avant de partir de son marche si spéciale. Une des trois clefs qu'il avait vraiment en sa possession. Les autres n'étaient souvent que temporaires. Il revint à lui quand elle prononça les premières paroles qui lui réchauffèrent encore le coeur. Ainsi, elle appréciait ce premier cadeau. Alors qu'il était si souvent glacé, froid avec les gens. Il laissait à la démone une petite place. Enfin, une grande au vu de l'être qu'il était. Maintenant, ils étaient ensemble. Il souriait encore et toujours. On aurait même pu le prendre un instant pour un idiot. Il était heureux. Un instant, une image apparut. Celle d'un sourire. Celui de sa mère. Et à côté, apparaissait son Maître. Ils semblaient être si bien ensemble. S'était-il seulement connu ? Une pensée lui traversa l'esprit. Mais ce n'était guère l'instant à ce genre de recherche. Il revint à lui alors qu'elle se retournait et plongeait son regard dans le sien.

Elle se mettait même à le remercier de lui avoir fait découvrir un tel endroit. Il ferma les yeux en signe de reconnaissance. Mais aussi pour lui dire silencieusement que ce n'était rien. En effet, il avait bien prévu quelques surprises encore à la jeune femme. Il se demandait ce qu'elle appréciait. Mais il ne voulait pas gâcher cet instant où enfin, il était heureux. Heureux comme il ne l'avait plus été depuis bien longtemps. Dès sa rencontre avec cette dernière, il avait été heureux, d'ailleurs. Heureux de leur duel. Heureux de découvrir qu'il pouvait avoir tort. Heureux de ce premier baiser. Finalement, elle rajouta trois mots. Trois mots seulement. Et pourtant, ils avaient une importance capitale à ses yeux. Perturbé, il ne le montra pas durant leur baiser. Sans être vraiment déboussolé, le choc passa rapidement. Comblé d'entendre ces mots, il se cherchait que dire avant de finalement lâcher les mêmes mots d'une voix amoureuse. Une voix où on pouvait entendre tous les sentiments qu'il possédait en lui.

>> Je t'aime ... Kago'-chan ...
Un sourire. Un autre baiser.

Il lui souriait, la gardant toujours dans ses bras. Leurs regards se liaient sans cesse. Ils cherchaient toujours de nouvelles réponses. De nouvelles questions. Quels secrets sur l'autre découvriraient-ils ? Il savait que rien ne pourrait les désunir. Et déjà, il se sentait jaloux. Mais pourquoi ? Il ne le savait pas. Seulement, il cacherait à tout prix ce désir qu'elle ne soit qu'avec lui. Il ne voulait déjà pas l'étouffer. La lâchant finalement, il laissa son regard vagabonder sur l'horizon avant de revenir sur l'être qu'il aimait. Elle. La démone. Elle. La fille. Elle. Kagome. Il en était amoureux.

>> Veux-tu que je demande une seconde clef pour toi ?
Un sourire, puis il reprit sur un ton un peu différent comme s'il était incertain.
>> Et qu'aimerais-tu faire, maintenant ? Veux-tu que je te laisse ? Qu'on s'affiche ensemble ? Découvrir ?

Un instant, tout son être hésitait. Une amertume coulait dans sa recherche. Alors qu'elle lui apprenait qu'elle souhaitait une clef de son paradis, qu'elle souhaitait encore découvrir, mais que non, elle ne souhaitait pas être seule. Oui, cela lui plaisait d'entendre cela. Il ne pouvait qu'être heureux à ces paroles, lui exprimant encore son amour plus que par les petits mots tels que "Je t'aime.". Pourtant, en cet instant, dans son esprit, il comprenait surtout qu'il ne serait plus seul. Que bientôt des gens s'intéresseraient à eux. A lui. Il ne voulait pas qu'on lui tourne autour. Qu'on tourne autour d'eux. Il en souffrirait. Il la ferait souffrir. N'allait-il soudainement pas trop vite ? Faire découvrir ce qui lui était cher ? A peine après quelques baisers. Le doute s'était installé en lui. Il ne voulait pas lui en parler. Elle était trop heureuse pour lui couper cette joie.

Finalement, elle lui prit la main, lui posant une question. Enfin, une question. Elle demandait surtout une réponse positive ou négative. Elle voulait partir manger. Pourquoi aurait-il refusé ? Il laissa paraître un sourire à la jeune femme, la conduisant jusqu'à la porte. D'ailleurs, elle n'avait fait aucune remarque. Mais la porte se trouvait être une simple porte qui n'était attachée nulle part. Une porte. Elle tenait debout. De l'autre côté, de nouveau ce même corridor. Ils passèrent, il referma la porte dans le silence, rangeant soigneusement la plus précieuse de ses clefs à ses yeux. Il était toujours plongé dans ses pensées. Absorbé en quelques instants par les craintes les plus idiotes du monde. Elle lui parlait. Il n'écoutait qu'à peine. Serait-il seulement à la hauteur ? A vrai dire, il avait déjà tué deux femmes. Sa mère. Son premier amour. Et elle était démone. Lui, un humain. Simple. Banal. Lui suffirait-il ? Qu'avait-il pour la garder ? Il n'aurait jamais dû penser à tout cela. Maintenant, il était dans une torpeur. Une crainte invisible de ne pas être suffisant. Un instant, ses doigts se serrèrent dans ceux de Kagome. Une petite crispation. Elle le remarquerait. Puis il s'était détendu. Ils avaient reparlé de leur première rencontre. En effet, ils s'en souvenaient encore très bien. Il lui avait rappelé l'instant où elle avait pris la porte plein front. Il en avait ri encore une fois. Elle s'énervait même. Et il se prit au jeu de la rendre encore plus folle. Ils se disputèrent gentiment. Plus un duel qu'une dispute. Des sourires, des baisers. Il en avait oublié ses craintes. Il avait repris ce goût qu'elle lui avait donné. Un goût qui lui était inconnu depuis bien longtemps. La vie.

Enfin, ils entrèrent dans la salle. Elle était vide. Personne n'était là. Tous étaient déjà sortis. En effet, comme la journée s'était terminée bien plus tôt, tout le monde s'était dirigé vers les magasins. Pour une fois qu'ils étaient encore ouverts et que personne ne devait travailler sur ses cours. Heureusement pour le jeune homme, il n'avait pas eu l'envie de se diriger vers le centre commercial. Et à sa grande joie, ce fut une bonne affaire. Il avait rencontré quelqu'un. Ce quelqu'un était une démone. Une fille avec qui il se plaisait à parler. En effet, derrière son air froid et cassant. Derrière le fait qu'il ne désirait pas être son ami. Il se protégeait. Il la protégeait, dans un sens. Il s'était plu dès les premiers instants dans cette dualité qu'ils avaient créé. Arrivant dans les plats, il grimaça. Encore cette nourriture. Il remarqua que Kagome en souriait. Même, elle en rigolait. Il fit semblant, un instant, d'en être vexé. Mais elle ne pouvait savoir ce qu'il avait goûté. Quelque chose qui se mêlait entre le coup des ordures et les égouts. Infâme. Il devait bien croire à une mauvaise blague. Il n'allait pas chercher. Il avait d'autres affaires plus importantes. Son regard se posa sur la jeune démone. Son coeur se réchauffa. Il la rejoignit à leur table. Celle où ils s'étaient affrontés pour la première fois. Déjà des souvenirs. Alors qu'il n'en avait plus eu depuis bien longtemps. Lentement, il se remettait de ce qu'il pensait avoir perdu. La vie. Encore une fois, elle l'aidait dans cette quête qui était la vie. Déjà, il pensait au bonheur qu'elle lui offrait. Elle. Et seulement elle.

Soudainement, elle parla pour elle-même. Elle avait cherché quelque chose. Il ne savait quoi et il ne prononça pas un mot qu'elle se mit déjà à lui expliquer. Elle lui parlait de son portable qu'elle avait oublié. Elle lui expliquait qu'il était certainement dans sa chambre. Sans le savoir, elle venait de le blesser. Profondément. Autant lui dire clairement qu'il était ennuyeux. Soudainement, il se sentit vaciller. Perdre pied. En lui apprenant qu'elle souhaitait regarder son mobile, elle lui disait clairement "Je m'ennuie un peu, et je me demandais si les autres pensaient à moi ...", sous-entendant clairement qu'elle se lassait de lui. Un coup au coeur. Première blessure. Son regard baissa. Il observait les lignes de la table. Comme s'il cherchait une réponse dans ces dernières. Mais rien. Seulement des lignes. Il soupira en silence, avant de se diriger avec elle dans les corridors. S'arrêtant devant les grandes baies vitrées, il laissa longtemps le silence planer autour d'eux. Ils observaient l'extérieur. Il ne donnait pas envie. Pas comme son jardin. Mais, dans la tête de Kagome, était-ce la même pensée ? Baissant la tête, regardant son accoudoir d'un instant, il poussa un autre silencieux soupir avant de relever la tête et tourner son regard vers la démone.

>> Dis-moi, Kagome, en quoi suis-je intéressant ? Je n'ai rien à t'offrir. Alors, vraiment, pourquoi te tourner vers moi ? Je suis d'un ennui constant, comme tu as pu le remarquer au réfectoire. Je ne suis pas vraiment ... Intéressant ...
Se détournant d'elle, il s'éloigna un peu pour fermer les yeux. Que devait-il dire ?
>> Que pourrais-je ... Être pour toi ?

Déjà, elle se mettait à hésiter. Sa voix tremblait. Non pas d'hésitement. Seulement de l'émotion. Une sale émotion. Tristesse. Crainte. Tout se mêlait en elle, alors qu'elle entendait les derniers mots du jeune homme. Lui-même souffrait de ses doutes. Il détestait les doutes. Il préférait les valeurs sûres. Etait-ce pour cela qu'il avait si longtemps refusé un nouvel amour ? Ou peut-être n'était-ce que la culpabilité d'avoir tué ? Tout se troublait. Il détestait ce sentiment presque d'impuissance. Il n'avait pas toutes les cartes en main et il se sentait déstabilisé. Il ne contrôlait pas tout. Et certainement pas ses sentiments. Il l'aimait. Il en était certain. Il ne reculerait pas. Il revint à la réalité, sortant de ce monde qui était le sien et qui n'existait pas. Elle venait de prendre ses mains dans les siennes. Un peu comme dans les films lorsqu'on se préparait à longuement parler. Comme si elle cherchait en lui le courage qu'elle avait besoin pour parler. Sa voix tremblait. L'émotion l'animait. Lui ? Il ne cherchait que des réponses. Mais les réponses n'amènent-elles pas irrémédiablement à de nouvelles questions ?

D'abord, elle commença en s'excusant si elle avait pu le blesser. Dans la sincérité des mots, il ne put répondre et seulement, il hocha de la tête. Même si la blessure existait encore, elle restait bien superficielle. Il préférait ne pas trop penser actuellement, écoutant attentivement les paroles qu'elle prononçait. Il apprenait que ce n'était pas un geste déplacé de la démone. Seulement, dans les explications, elle avait oublié de mentionner presque tout. Elle souhaitait une sortie en ville avec lui. Il n'était pas vraiment contre. Mais il n'appréciait pas les bains de foule. Un bon coin tranquille lui était préférable. Si elle souhaitait cela, il lui ferait ce plaisir. Puis elle se coupa alors qu'elle terminait de parler sur le sujet du téléphone. Oui, cela l'avait énormément blessé. Mais les mots qu'elle avait prononcé étaient des baumes qu'il n'avait jamais employé. Son coeur se reposait enfin. Mais il remarquait qu'elle n'allait pas vraiment bien. Sa voix était cassée, brisée sous toute l'émotion. Finalement, elle reprit.

Elle parlait de ce qu'elle ressentait vis-à-vis de lui. Elle lui apprenait tant qu'il ne sut que répondre. Seulement comprendre qu'il se trompait. Sur la ligne. Même si elle était une démone. Elle était surtout une humaine. Sans le vouloir, il l'avait poussée à bout. Elle s'était mise à pleurer. Il avait été trop rude. Il se posait trop de questions. Comme toujours. On le lui avait souvent répéter qu'il avait la sale manie de toujours poser des questions. Il était ainsi. Et il comprenait que ce soit rude. Certainement n'avait-elle pas su tenir. Et cela, il devait s'en vouloir qu'à lui-même. Un pincement au coeur s'était formé. La faire pleurer. Alors qu'elle terminait en larmes complètement, il l'attrapa pour la serrer contre lui. Il laissa les derniers mots de la jeune femme s'étouffer dans sa longue veste noir. Elle avait trop parlé. Lui caressant doucement les cheveux, il déposa un baiser dans ces derniers. Il laissa longtemps le silence l'emporter, laissant quelques petits gestes attentionnés faire le reste. Lentement, il prit la parole d'une voix bien plus douce.

>> C'est terminé.
Un silence. Que voulait-il donc dire ?
>> Arrête de croire que je veux te quitter. Cela ne m'a même pas traversé l'esprit.
Un sourire.
>> Je resterai toujours avec toi, Kagome-chan. Pour cela, n'espères pas que je te lâche. Je t'aime et je te garde. Que tu sois une démone, je n'en ai que faire. Au lieu de voler mon coeur, tu l'as soigné de ces tourments les plus anciens. Et c'est moi qui doit m'excuser. Je n'aurais jamais dû te pousser ainsi à bout. Te faire pleurer ...
Un silence. Il prend le visage de la démone et dépose un nouveau baiser sur les lèvres de cette dernière.
>> Merci ... Mon amour.

Ses mots l'avaient rassurée. Un nouveau sourire s'affichait tandis qu'elle se blottissait de nouveau contre lui. Elle séchait ses dernières larmes, avant de lui demander s'il voulait visiter sa chambre. Honoré par cette question, il hocha affirmativement la tête. Il découvrirait un peu plus du domaine de sa compagne. Il découvrirait un peu plus de son intimité. Il comprenait la chance qu'il avait. Une chance unique. Et en même temps, une crainte naissait. Petite. Qu'allait-il se passer dans la pièce ? En effet, il avait déjà entendu tant de discussions sur des sujets aussi intimes que personnels, qu'il se demandait si cela allait leur arriver. Certainement. Mais maintenant. Non, il ne voulait pas. Il n'y pensa pas trop, préférant seulement retenir le chemin qu'il devait voir pour la voir quand il voulait. L'ambiance était beaucoup plus chaleureuse. Ils avaient parlé de coeur à coeur. Maintenant, tout irait mieux. Elle frappa à sa porte. Personne. Elle semblait avoir une colocataire. Ils entrèrent et déjà, elle parlait seule. S'adressant vers le lit vide. Il en souriait. Mais il préférait ne rien dire. Il ne voulait se chamailler pour cela. Surtout qu'à la fin, ils s'embrasseraient, et dans un endroit aussi intime, ils iraient trop loin. Préférant penser à autre chose, il l'écouta dire qu'il pouvait faire ce qu'il souhaitait. Elle se dirigeait vers sa table de chevet. Certainement pour utiliser son portable, comme elle le lui avait expliqué un peu plus tôt. Une histoire de sortie entre amies. Il ne chercha pas à savoir plus.

Déjà, son regard s'était tourné vers le seul cadre qui se trouvait du côté de Kagome. Une unique photo. Il ne reconnaissait personne. Peut-être l'homme qui s'y trouvait. Peut-être seulement. Il ressemblait un peu à son Maître. Il restait attentif à chaque détail. Soudainement, alors qu'il ne s'y attendait pas, elle prit la parole. Lui contant l'histoire cette unique photo. Une histoire. Elle était là, dans les bras de sa mère. Son père était à côté. L'illusion de découvrir un peu du passé de son Maître se dissipa. Le silence. Il déposa le cadre. Regardant une dernière fois le visage de l'homme, avant de toucher du pied un objet mystérieux. Il jeta un regard vers sa compagne, elle lui répondit par un sourire. Elle prit le coffre avant de lui offrir, lui donnant comme seul quête de découvrir par lui-même. Elle lui offrit le code. Etait-ce là ce qu'elle pouvait offrir quand elle faisait confiance ? Ainsi, elle lui permettait d'en découvrir qu'encore plus sur elle. Il en était honoré. Et dans son esprit, la peur de ne pas être à la hauteur pénétra sa chair. Il ne devait pas y penser. Pas maintenant. Un frisson. Il se re-concentra. Ouvrant le coffret, il découvrit à l'intérieur bien des objets. Notamment des armes de combat, ou encore des herbes médicinales. Au fond, sous les autres objets, se cachait un dossier. Une inscription était dessus : Confidentiel. Il l'avait lu à haute voix, sans vraiment s'en rendre compte. Cela ne le concernait pas. Alors qu'il allait ranger ce dernier, il posa un instant son regard sur Kagome. Elle prit une inspiration. Elle parla.

Et longtemps elle parla d'elle. Des douleurs qu'elle vécut. Ce que Satan lui avait fait subir. Et toujours, il serra le poing. Une crispation. Une haine éternelle contre le Roi des Démons. Comment osait-il ? Encore une fois, il tournait autour. Sa mère, son premier amour. Et maintenant, son véritable amour. Pourtant, il restait calme. Il devait savoir ce qu'était ce monstre. Finalement, elle terminait son récit. Une colère indéfinissable rongeait son être. Depuis plusieurs années, maintenant, Satan le hantait. Ses nuits étaient souvent coupées par ces moments de terreur. Il revivait l'horreur d'un soir. Le sang qui s'arrêtait devant le cadavre de son premier amour. Soudainement, elle s'était redressée. Elle s'était mise dos face à lui. Elle enlevait son haut. Dans un premier temps, il ne comprit pas. Puis l'horreur se montra. Les deux cicatrices marquées dans le dos. Il ne put se contenir davantage et explosa. Se redressant soudainement, il lança "Ce fumier de bâtard ! Il va me le ... ". Il n'avait pu terminer. Elle avait attrapé son poignet et l'avait arrêté dans son geste. Il restait crispé. Il ne cessait de revoir les horreurs que Satan pouvait commettre. Et il ne pouvait réagir. Elle le fit se rasseoir. Elle prononça quelques mots. Avant de faire une demande. Qu'il raconte son histoire. Elle finit par l'embrasser.

Il s'était détaché d'elle. Il s'était levé. Elle ne faisait pas partie de son passé. Le contact était inutile. Cela avait une symbolique. Raconter son histoire, ce n'était pas simple. Et le contact ne l'aiderait certainement pas. Seulement le perturber que davantage. Il s'était mis dos à elle, dans un premier temps. Puis, ensuite, il s'était mis face à elle. Il cherchait la position. Sa position. Pour raconter sans que lui-même ressente le besoin toujours grandissant d'arracher les boyaux de Satan. Finalement, il se remit sur le lit. Sans chercher le contact. Baissant la tête, observant sa chaîne. Il se mit à parler lentement. Revivant encore une fois, tout son passé devant ses yeux. Son regard s'était assombri. Sa voix, plus froide. Plus douce malgré tout.

>> Je ne connais plus toute mon histoire. Je ne me souviens seulement que depuis ma blessure de l'âme.
Déjà un silence.
>> Il faisait nuit. Nouvelle lune. On ne voyait rien à l'extérieur. Les nuages cachaient même les étoiles. J'étais avec ma mère et mon petit frère. Notre père nous avait depuis bien longtemps abandonné, comme ma mère nous avait appris. Cette nuit-là, elle s'est soudainement mise à hurler. Elle nous disait de partir loin. Le plus loin. On s'est enfui avec mon frère. On a parti notre chemin. Soudainement, on s'est retrouvé face à un monstre. Un démon. Au loin, notre mère hurlait. Puis, alors, des coups de feu et le silence. Ma mère n'était plus. Le monstre avait disparu. Quelqu'un vint près de mon frère et moi et nous emmena.
Un silence. Un autre. Il reprit après quelques instants où il avait fermé le regard.
>> Cet homme devint mon Maître. Longtemps, il m'entraîna aux armes à feu. Il m'avait appris que notre mère était une Exorciste reconnue. Qu'elle maîtrisait elle aussi les armes à feu. C'est ainsi que je choisis mon Meister. Mais aussi pour mon Maître, qui, quelques années plus tard, mourut d'une maladie mystérieuse. Il m'envoya aussi. A l'Académie de la Croix-Vraie. Il m'offrit aussi ce rosaire avant de mourir. Un cadeau de ma mère.
Il montra le rosaire. Silencieux un long moment, il reprit finalement la parole.
>> A l'Académie, je rencontra mon premier amour. Une belle histoire fondée sur le mensonge. Elle ne connaissait pas les démons. Elle ne savait pas ce qu'était un Exorciste. Nous ne sommes que des légendes pour eux. Quoi qu'il en soit, je ne supportas pas le poids de ce secret. Finalement, je lui en parla. Elle m'a ri au nez, avant de me traiter de fou et de rompre. Deux jours plus tard, une amie vint me chercher. Elle avait vécu une blessure d'âme. Par ma faute. Peu de temps après, je me suis fait ce symbole ...
Lâchant son rosaire, il se redressa. Enlevant complètement son haut, il montra sur son torse un poignard. Juste à l'endroit où devrait se trouver un coeur.
>> J'ai tant souffert de Satan. Ce poignard, c'est Satan. Et le nombre d'entailles sur le poignard. C'est le nombre de fois qu'il m'a atteint. Deux fois jusqu'ici.
Il se rassit sur le lit, ayant oublié de remettre sa veste et son haut.
>> Tu connais mon histoire, comme moi-même je la connais.

Il terminait son histoire que déjà, leurs lèvres se rapprochaient. Plusieurs baisers s'échangèrent. Plus fougueux. Plus sensuels. Plus amoureux, encore. Les doigts se mêlaient. Les corps frissonnaient. Les yeux fermés, ils s'écoutaient seulement entre eux. Lentement, les lèvres se séparèrent. Les yeux se rouvrirent. Des sourires. Du plaisir de voir l'autre. Ils se regardaient. Elle déposa une main sur son tatouage, là où se trouvait aussi son coeur. Il lui avait donné une grande partie de son histoire. Elle connaissait tellement déjà. Maintenant, il était à découvert. Il n'aimait pas cette situation où il se trouvait vulnérable. Sans sa cuirasse sur son coeur, ni même la cuirasse physique que créaient ses vêtements, il se sentait plus faible. Un frisson l'avait parcouru lorsqu'elle avait touché sa peau. C'était la première fois que quelqu'un se permettait un tel geste. La première fois qu'il sentait le contact d'une main sur sa peau. Pour découvrir un peu plus de ce toucher et y croire vraiment, il y déposa sa main. Non, ce n'était pas un rêve. L'être qu'il aimait effleurait sa peau.

Soudainement, la porte de la chambre s'ouvrit et se claqua aussi vite. A peine la porte s'était-elle ouverte qu'il avait pris l'arme chargée pour faire feu sur la personne. Une jeune femme qui lui était inconnue. Aussitôt, Kagome avait réagi, lui demandant de baisser l'arme. Ce qu'il fit puisqu'elle semblait connaître la jeune femme qui venait d'entrer. Et selon le surnom qu'elle venait de lui donner, il présumait à la colocataire. Une conversation débutait quelques instants où la colocataire ne put s'empêcher des réflexions sur leur tenue. Déjà son doigt se referma sur la gâchette. Il remarquait seulement à l'instant qu'elle était aussi sans son haut. Elle tenta une explication, mais en vain. Gênée, elle n'arrivait pas à dire ce qu'elle voulait. D'ailleurs, lui-même était un peu abasourdi. Elle se releva finalement, lui demandant de poser son arme. Ce qu'il fit à contrario. Elle lui amena alors son simple haut. Noir. Il le remit sans un mot, avant de déposer de nouveau son regard froid et noir sur la colocataire. Déjà, il ne l'aimait pas. Trop bruyante. Elle commentait déjà sans cesse. Heureusement pour elle, Kagome lui avait demandé de lâcher son arme. Finalement, la démone les présenta l'un à l'autre. Il ne fit qu'un petit hochement de la tête en signe de salut. Il ne l'appréciait pas. Elle et son arrivée. Alors qu'ils étaient tranquilles. Elle et ses manières. Elle dépassait déjà trop de bornes. Il ne pourrait se contrôler longtemps.

La goutte déborda. Elle fit un commentaire sur son physique. Cela lui sortait. Prenant l'arme, il lâcha seulement "Je vais ... !", avant d'être aussitôt coupé par sa partenaire. Elle reprit aussitôt la colocataire dérangeante, avant qu'une discussion s'ensuive lorsque cette dernière avait une nouvelle fois dépassé les bornes. En effet, elle faisait référence à la sexualité qu'ils pourraient entretenir. Sans avoir bouger d'un pouce, Akamitsu observa la dispute avant de se lever et d'observer les deux filles. Reprenant sa veste, il ne dit mot avant d'enfin se décider alors qu'il reprenait ses deux armes. Se retournant vers les deux femmes. Il plongea son regard devenu froid comme la glace.

>> J'en ai assez vu. Je m'en vais. Bye.
Déposant un baiser sur les lèvres de sa chérie, il remit sa veste en prenant la porte.

Marchant tranquillement dans les couloirs, il se remémorait sa journée. Depuis sa seconde rencontre avec Kagome, il n'avait plus été seul. C'était la première fois. Une tristesse sans nom l'accabla. Ne marchant presque plus, il s'arrêta finalement, regardant ses pieds. Il n'aurait pas du partir ainsi. Il soupira. Il jeta un regard en arrière. Faire demi-tour ? Une hésitation. Il se détourna. Non. Elle viendrait à lui. Poussant un soupir, il venait de s'asseoir dans les escaliers. Il attendrait. Il ne pouvait rester avec une colocataire comme Rinatia. Un soupir. Une pensée. Et si il lui faisait visiter son domaine. Oui. Si elle venait. Autrement, ce serait pour une autre fois. Un autre soupir. Un regard vers le couloir. Il observa ses armes dans ce lourd silence qu'était l'absence de Kagome ...